Nous vous annonçons la publication d’un nouvel article issu du programme Citindus dans la revue Sociologie du travail :
Karel Yon, « Politiser le travail ou l’entreprise ? Trois registres de citoyenneté industrielle », Sociologie du travail [En ligne], Vol. 64 – n° 4 | Octobre-Décembre 2022, mis en ligne le 01 décembre 2022.
Dans cet article, Karel Yon prolonge les réflexions engagées dans le cadre du programme Citindus sur la possibilité d’un usage non normatif de la notion de citoyenneté industrielle. Reprenant l’idée selon laquelle cette notion permet de « réfléchir à la façon dont les travailleurs et travailleuses se constituent en sujets politiques, définissent les droits dont ils et elles se sentent légitimement détenteurs et détentrices, et délimitent les frontières de la communauté au regard de laquelle ces droits prennent sens » (Allal & Yon, 2020), il l’applique à un terrain historique, celui d’une expérience d’occupation et de relance d’une petite entreprise industrielle du Nord de la France (les tissages Deffrenne, rebaptisés Dampierre au moment de leur relance), au tournant des années 1970-80.
Réfléchir en termes de citoyenneté industrielle lui permet d’observer comment différents agencements institutionnels supportent différents processus de politisation au travail. Par agencements institutionnels sont désignés à la fois les systèmes de rôles sociaux qu’offrent des institutions telles que les syndicats, le comité d’entreprise, les instances de gouvernance de l’entreprise récupérée ou le statut salarial, les dispositions et propriétés sociales des individus qui les investissent, et les rapports que ces institutions entretiennent les unes avec les autres. Ce sont ces agencements qui produisent des dynamiques de politisation spécifiques, lesquelles ne peuvent donc être présumées mais doivent être observées en situation.

La notion de « registres de citoyenneté industrielle », proposée dans l’article, découle de cette façon d’appréhender les processus de politisation au travail ou, dit autrement, la formation de différents types de sujets politiques. L’article identifie sur le terrain étudié trois registres distincts : un registre classiste qui constitue le sujet ouvrier comme membre d’une classe en lutte sur une vaste scène dépassant l’entreprise, un registre gestionnaire qui inscrit le sujet ouvrier dans une communauté d’entreprise présumée harmonieuse, et un registre salarial qui relocalise l’antagonisme dans le face-à-face direct avec l’autorité patronale.
La pluralité de ces registres montre que les travailleurs/ses se constituent autant qu’ils et elles sont constitué·es en sujets politiques : les registres classiste et gestionnaire apparaissent largement tributaires du travail politique qu’engagent respectivement les syndicalistes et les dirigeants de l’entreprise récupérée, tandis que le registre salarial émerge davantage comme un registre autonome de subjectivation politique, lié aux attentes que les ouvrier·es projettent en investissant le rôle de salarié·e.
En montrant que la figure du « bon citoyen » (auto)gestionnaire, soucieux du bien commun de l’entreprise, n’est qu’un registre parmi d’autre de politisation du travail, le texte entend aussi participer aux débats en cours sur le renouveau du « participationnisme » en entreprise, en s’interrogeant sur les limites des propositions, comme celle du bicamérisme économique (Ferreras, 2012), qui pensent la démocratisation du travail dans les catégories du capitalisme.
Références citées
Amin Allal, Karel Yon, 2020. « Citoyennetés industrielles, (in)soumissions ouvrières et formes du lien syndical : pour une sociologie politique des relations de travail », Critique internationale, n°87, p. 15-32.
Isabelle Ferreras, 2012. Gouverner le capitalisme ?, Paris, PUF.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Karel Yon (12 janvier 2023). Les formes plurielles de la citoyenneté industrielle. La citoyenneté industrielle. Consulté le 19 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/muh1
Pour avoir été un des protagonistes de cette période jusqu’à ce jour ( aujourd’hui âgé de 75 ans ) je lutte pour le droit de l’ultime liberté : mourir dans la dignité au pays des Droits de l’Homme….
Simultanément, la réforme des retraites et au-delà la mise à plat dans tous les domaines par les 2 quinquennat d’Emmanuel Macron dans la 5e République nous oblige à repenser la lutte des classes de façon internationale face aux défis environnementaux…